Passé par l’AS Monaco, Abdoulkader Thiam est aujourd’hui un joueur accompli du championnat de National. International mauritanien, le latéral gauche de 24 ans a répondu à toutes nos questions.
« Bonjour Abdoulkader. Pour commencer, peux-tu me parler du parcours qui t’as mené à devenir footballeur ?
J’ai commencé le football à 8 ans, dans le club de mon quartier, le FCO Saint-Jean-de-la-Ruelle. J’y suis resté jusqu’en U14 avant de partir, pendant un an, à l’US Orléans. Entre temps, je suis passé par le pôle espoir de Châteauroux, où je passais la semaine et rentrais chez moi le week-end.
À 15 ans, j’intègre le centre de formation de l’AS Monaco. J’y suis resté pendant cinq années et y ai évolué jusqu’en CFA, sans toutefois signer en professionnel.
Après ça, je finis par retrouver l’US Orléans, d’abord avec la réserve, puis au sein du groupe professionnel. C’est là-bas que je paraphe ainsi mon premier contrat.
Ça a toujours été une vocation chez toi ?
Au départ, je ne savais pas trop. Je suis né en Mauritanie et y ai grandi jusqu’à l’âge de 6 ans. Là-bas, comme tous les enfants, je jouais au football pour le plaisir. C’était pareil à mon arrivée en France, je me suis inscris dans un club car j’aimais ça.
Mais au fur et à mesure que les années ont passé, que des clubs se sont intéressés à moi, que j’ai intégré le pôle espoir, j’ai commencé à prendre conscience de ce que pouvait devenir le football pour moi. Ça s’est fait naturellement.
Tu as porté les couleurs de l’équipe de France en catégorie U16. Comment apprends-tu ta sélection ? Comment la reçois-tu ?
Je jouais à Monaco à ce moment-là. À l’époque, c’est Bruno Irlès, mon coach, qui me l’apprend. Il me dit que le sélectionneur souhaite me voir et faire appel à moi.
Sauf qu’il désire me faire jouer au poste de latéral gauche, alors que j’ai effectué ma formation à celui de défenseur central. Par conséquent, j’ai passé ma semaine à travailler au poste de latéral et j’ai ensuite pu rejoindre la sélection.
En 2018, à l’âge de 19 ans, tu fais le choix de représenter la Mauritanie. Pourquoi cette décision ?
Ça faisait longtemps que la sélection mauritanienne me suivait. J’étais en contact avec certains de leurs représentants.
Mais à ce moment-là, j’étais en formation, je leur ai dis que je ne pensais pas encore à cela. C’était dans un coin de ma tête, mais je ne me suis jamais mis de pression quant à un possible choix de sélection.
En plus, il y avait l’équipe de France, la coupe nationale U15, les pré-sélections, les stages… Je n’avais pas forcément le temps d’y penser.
Mais à 19 ans, j’ai parlé avec mon agent et je lui ai dis que je souhaitais représenter la Mauritanie. Tout s’est, encore une fois, fait de manière naturelle.
En 2019, puis en 2021, tu prends part aux deux premières Coupe d’Afrique des Nations de l’histoire de la Mauritanie. Qu’est ce que ça te fait de te dire que tu as pris part à cette aventure ?
C’est un truc de fou ! Après, j’en retiens deux étapes. La première qualification, en 2019, était incroyable. L’engouement était énorme, le pays était en fête et je me suis dis que j’avais la chance de faire partie de ce groupe, surtout que j’avais l’habitude de suivre la compétition à la télévision. Vivre ça en tant qu’Africain était une fierté immense.
La deuxième fois, en janvier dernier, j’ai plus participé, dans la mesure où j’ai eu du temps de jeu, chose que je n’avais pas eu la première fois. On a malheureusement pas pu passer les poules lors de ces deux éditions, mais c’était une expérience incroyable.
En 2012, la Mauritanie occupait la 206e place au classement FIFA. Elle est aujourd’hui 101e. Comment expliques-tu cette remarquable amélioration ?
D’un point de vue interne, il n’y a pas de secret. C’est le travail et la réussite de tout un pays, du développement des jeunes joueurs à leur formation.
Aujourd’hui, de plus en plus de binationaux souhaitent représenter le pays. C’est une bonne chose.
Je pense que ce n’est qu’un début et que la sélection mauritanienne peut avoir de l’ambition.
Après deux saisons de préformation à Châteauroux, tu rejoins l’AS Monaco. Qu’est ce que t’a apporté cette expérience dans un club du très haut niveau ?
Monaco est un très grand club formateur, avec des installations de haut niveau et un suivi constant, tant sur le plan technique que tactique ou mental.
D’ailleurs, quand on voit, encore aujourd’hui, les jeunes joueurs de talent qui en sortent, ça témoigne du travail du centre de formation.
Je pense que mon passage là-bas m’a permis de grandir en tant qu’homme, aussi bien par ce que j’ai appris sur le terrain qu’en dehors.
À Monaco, tu disputes également la Youth League. Quelles différences as-tu pu remarquer entre le football européen et celui pratiqué en France ?
Je n’ai pas beaucoup joué en Youth League, mais de ce que j’ai pu voir, ça dépend vraiment des pays. Je me souviens par exemple d’un match face à une équipe russe qui était très portée sur l’aspect physique.
Du reste, je pense que tactiquement et techniquement parlant, la France n’a rien à envier aux autres pays, bien au contraire.
Sur le Rocher, tu ne parviens pas à signer professionnel. Comment as-tu vécu ce moment de ta carrière ?
À vrai dire, je l’ai plutôt bien pris, car je m’y attendais un peu. Au fur et à mesure que le temps passait, je voyais l’avance que j’avais prise par rapport aux autres se réduire et j’ai voulu partir de moi-même. Le problème était que j’étais lié par un contrat stagiaire de deux ans.
J’ai ressenti ça comme un défi. Je ne voulais pas rentrer chez moi et avoir un sentiment d’échec. Quand j’ai intégré la réserve de l’US Orléans, je me suis dis que j’avais six mois pour faire mes preuves, chose que j’ai réussi à faire. J’ai ensuite signé pro et ça a été le début de ma carrière.
La saison suivante, tu rejoins l’US Orléans, où tu découvres la Ligue 2, championnat dans lequel tu disputes 10 rencontres en 2 saisons. Malheureusement, l’exercice 2019-2020 ne se passe pas bien et vous êtes relégué en National. Comment, en tant que joueur, gère-t-on l’idée d’une descente ?
C’est compliqué de faire partie d’un groupe qui descend. Ce n’est pas agréable de commencer les semaines en se sachant derniers. Il y a comme un sentiment d’impuissance.
On avait beau y mettre du coeur, pratiquer un bon football, on y arrivait pas. C’est vraiment dommage, car je pense que cette saison là, on avait vraiment un effectif de qualité.
« Avec la Mauritanie, on va jouer toutes nos cartes à fond pour participer à la Coupe du Monde. »
La saison 2020-2021 se déroule, mais tu ne disputes que 5 rencontres. Quelles en sont les raisons ?
Sur un plan personnel, ça a été une saison compliquée, notamment en raison des blessures. Je commence à enchaîner les matchs, puis je pars rejoindre la sélection pendant la trêve internationale. Sauf qu’en National, il n’y a pas de pause.
Je rate donc deux matchs et, alors que je devais revenir en France, j’attrape le coronavirus en Mauritanie. Ma rémission prend plus de temps que prévu et quand je rentre à Orléans, j’avais perdu ma place de titulaire, notamment en raison de la bonne dynamique de l’équipe.
Pour ne rien arranger, j’ai, en janvier, eu un problème au niveau du genou et j’ai subi une opération, synonyme de fin de saison.
Laissé ensuite libre, tu t’engages à l’US Boulogne, également pensionnaire de National. Là-bas, ton temps de jeu augmente, mais tu es malheureusement victime d’une nouvelle blessure. Ça doit être frustrant ?
Oui, très, qui plus est dans un club jouait le maintien. Après la trêve hivernale, on enchaîne les bons résultats, je fais partie intégrante de l’équipe et j’ai du temps de jeu.
Malheureusement, je me déchire l’ischio et le fait de ne pas pouvoir aider mes coéquipiers m’a beaucoup frustré.
La saison se termine, Boulogne est malheureusement relégué et tu prends, l’été dernier, la direction de Chôlet, où tu sens un réel projet. Quels ont été les mots utilisés pour te convaincre de signer ?
Les dirigeants souhaitaient construire une bonne équipe de National, avec un coach et des joueurs ayant l’expérience du championnat.
Au-delà de ça, ils accordent beaucoup d’importance au fait de former un véritable groupe. Ça m’a convaincu.
Comment te décrirais-tu dans le vestiaire ?
Je suis quelqu’un de calme, pas forcément du genre à prendre la parole. Mais cela ne m’empêche cependant pas de bien m’entendre avec mes coéquipiers. Une bonne ambiance règne dans le vestiaire.
Aujourd’hui, 6e du classement et à 7 points du leader, il vous reste notamment 4 matchs à jouer contre des équipes mieux classées et 4 face aux 5 derniers. Est-ce que, dans les têtes, l’optique de la promotion existe, ou la fin de saison est encore trop lointaine ?
C’est encore loin, surtout que le National est un championnat compliqué, avec une homogénéité de niveau entre les équipes.
On ne se met pas de pression dans le vestiaire, on prend les matchs les uns après les autres. On veut juste gagner les matchs et prendre du plaisir. Les comptes seront faits plus tard dans la saison.
À titre personnel, quel est le rêve que tu souhaites réaliser au cours de ta carrière de footballeur ?
Je veux jouer la Coupe du Monde avec la Mauritanie. Comme je l’ai dis, l’équipe est en développement, donc tout est possible. Surtout qu’avec les nouvelles réformes de la compétition, plus d’équipes peuvent se qualifier. On va jouer toutes nos cartes à fond.
Si tu devais nommer le joueur le plus fort avec lequel tu aies joué, tu me dirais… ?
Kylian Mbappé. C’est un crack, il n’y a rien de plus à dire. Pour moi, il est aujourd’hui le meilleur joueur au monde.
Il est le seul joueur capable de changer l’issue d’un match à lui seul. Déjà en jeunes, il était au-dessus, il savait où il allait. Ça ne me surprend pas qu’il en soit arrivé là.
Et le plus fort que tu as affronté ?
Yves Bissouma de Tottenham. Je l’avais affronté dans un match face au Mali et c’est aussi un crack.
Il m’impressionnait déjà à la télévision, mais de l’avoir en face à face, c’est encore autre chose. Pour moi, c’est un top joueur. »